La facilitation graphique

Article n°3, janvier 2022

Introduction à la facilitation graphique,

ou comment gribouiller ça permet de mieux retenir en fait

Voici plus d’un an que je n’ai pas fait de facilitation, mais en me retrouvant dans un atelier Ux, j’ai naturellement repris le crayon pour donner à voir les idées que nous développions en groupe. Comme l’a dit mon directeur artistique, j’ai fait un petit coup d’état en prenant les choses en main sans le vouloir… Mais cela m’a amené à me replonger dans la facilitation et comment m’améliorer personnellement.

Je me suis donc repenchée dans mes anciens cours et performances, et j’ai décidé de vous faire partager cela.

La facilitation graphique est un outil très intéressant à utiliser. C’est comme revenir à l’époque des hiéroglyphes et des idéogrammes, qui peuvent être très puissants pour soutenir et donner à voir un message, qui au premier abords peut sembler très complexe et dur à réaliser. Mais tout comme les hiéroglyphes ont leur Pierre de Rosette, je serai votre Champollion dans la découverte de la facilitation graphique.

 

La facilitation graphique, c’est quoi ?

Dire une histoire et faire du dessin. Tout simplement, voilà ce qu’est la facilitation graphique, raconter une histoire à travers le dessin. Et cela est peut être la plus ancienne manière de raconter une histoire, bien avant l’écriture et l’imprimante de Gutenberg. On peut imaginer que les dessins des hommes de la préhistoire dans les grottes était une manière de transmettre un savoir, une culture, une histoire.

La facilitation de la lecture des données permet une plus grande compréhension, un ancrage mémoriel plus important et une aide à la validation. Cela donne aussi un sentiment ludique, car impliquant chaque participant, et pas seulement le facilitateur et la personne qui parle, dans une attitude collective vers un objectif commun.

De plus, la facilitation graphique dispose d’un atout particulier. Elle laisse une trace importante, à la fois dans la mémoire des participants, mais aussi matériellement, dans le support de création. Cela rend le discours intemporel et transmissible plus facilement.

Enfin, et point essentiel pour moi, la facilitation graphique est un fil d’Arianne commun à tous. Lors de sa réalisation, elle permet au participant de comprendre : ce qui s’est dit, pense avoir dit ou entendu. Elle permet de centraliser, cadrer, et structurer une suite d’informations afin de ne pas partir dans tous les sens et aboutir à une compréhension commune.

 

Les bases, être à l’aise

Du fait de notre ancrage dans une culture très littéraire, il est parfois difficile de se détacher du mot. La prise de note écrite est facile à rédiger mais bien moins digeste. Lors de son évolution dans la facilitation, le plus grand challenge est de s’émanciper du mot pour le transformer en image, et que celle-ci soit appréhendée par tout le monde de la même manière.

On va donc essayer étape par étape de passer du mot à l’image.

 

La typo

Dans un premier temps, le mot est important. Il y en aura toujours, en bien plus petite quantité, mais il sera toujours présent. C’est pourquoi il faut dans un premier temps s’entraîner à écrire, grand, régulièrement et surtout être lisible pour tous !

Pour cela, travaillez sur un tableau : vous devez choisir le type d’écriture, en général une écriture majuscule et une minuscule, de type cursive. Ensuite écrivez l’alphabet avec ces deux écritures, reculez-vous de deux mètres et regardez le résultat ! Ça penche ? Ça se rétrécit ? Pas très visible de loin ? Voici les premières difficultés auxquelles vous allez devoir faire face. Le but est de vous créer une typographie de titrage et une pour le reste du texte. Le titre doit se démarquer, par sa taille, son épaisseur de trait ou autres éléments graphiques qui le mettront en avant. N’hésitez pas à vous entraîner avec des stylos à mine bisottée afin de tester les différentes tailles de traits. Créer une typo de titre peut être très géométrique en mettant la pointe bien à plat ou avec des pleins et déliés en la gardant toujours dans le même sens.

Les éléments graphiques

Dans un deuxième temps, exercez-vous à faire des formes simples : carré, rond, …

C’est ce que l’on appelle les connecteurs (flèches, etc) et les containers (regroupement d’idées, surlignement d’une notion). Que cela devienne facile, sans trembler et rapide. Créez-vous ainsi un répertoire de formes qui seront régulièrement utilisées. Des bulles pour y inscrire du verbatim, des flèches pour faire des liaisons, des formes pour souligner un mot ou une idée. Et pour chaque, essayez de faire deux-trois modèles, pour créer une importance, cela peut se faire par la taille de la forme, mais aussi par la couleur, la taille de trait du contour, …

Pictographier

Dans un troisième temps, schématisez. Cet exercice peut être réalisé à plusieurs, cela devient plus marrant.

Sur un papier, tracez 4 colonnes et 6 lignes. Dans la première colonne, pour chaque ligne, mettez le premier mot qui vous vient à l’esprit (chat, imaginer, café, dormir, invisible, …). Maintenant, dans la deuxième colonne, dessinez ce que vous avez écrit en 1 minute. La minute suivante, si vous êtes à plusieurs, échangez les feuilles, et travaillez dans la troisième colonne à schématiser, en essayant de simplifier ou de refaire la première illustration faite. De même pour la dernière colonne mais en 30 secondes.

Cet exercice peut sembler un peu stressant, mais pas du tout, surtout fait à plusieurs. Cela permet dans un premier temps, de voir les à priori de chacun sur un objet, une notion ou un sentiment. Tout comme les smileys, le but est de simplifier et dessiner quelque chose de complexe. Et chaque personne a sa manière de le visualiser. Le but est donc de simplifier d’une manière assez universelle, pour que tout le monde comprenne la notion ou sentiment dessiné.

Les personnages

Le plus dur. Quand on aime pas trop dessiner, c’est là que cela devient difficile. Comment faire des personnages rapidement et facilement. Vous pouvez commencer par des bonshommes en bâton, puis leur rajouter des formes, comme les pictos pour la sortie de secours ou les toilettes. Essayez de les dessiner avec différentes actions. Rajouter des expressions.

Un exemple avec seulement trois couleurs. Le noir pour le texte, le rouge pour les éléments importants (titre, logo, …) et le bleu pour les éléments secondaires importants.

Voici un exemple de variation de traits qui est ici utilisé pour créer des containeurs ou pour accentuer des mots.

La finition

Enfin, les petits détails qui font toute la différence. Je vous parlais de la variation entre les tailles de traits qui peuvent souligner des éléments. Mais il n’y a pas que cela. N’hésitez pas à jouer sur les couleurs, le rouge pour les points importants, le jaune pour rajouter de la nuance,… Mais je vous conseillerai personnellement de ne pas en utiliser trop, 3 ou 4, mais pas plus, on est pas là pour créer un arc-en-ciel !

Et c’est parti !

Et enfin, on se lance dans le bain. Le plus simple pour les premières fois est de regarder ou écouter un rapide documentaire / podcast. Faites-le en plusieurs étapes :

  • À la première écoute : trouvez les grands axes, les sous-parties, … Dressez le plan de ce que vous écoutez, et soyez attentif, commencez à retenir les éléments importants, pour ensuite ne pas bloquer à l’écoute et que l’information passe directement de votre oreille à votre main.
  • À la deuxième lecture, commencez à dessiner. Au milieu (par exemple), écrivez le titre de votre documentaire. Vous savez par exemple qu’il y a deux grandes parties. Sur la partie du haut, dessinez tout ce que vous entendez sur la première partie repérée. De même en bas pour la deuxième partie.
  • À la troisième écoute rajoutez les autres points, les sous-éléments à retenir

 

En direct

Le plus difficile.

Une fois à l’aise, ces exercices vous permettent de prendre le crayon plus facilement et d’exercer la facilitation graphique partout. Cependant en direct, l’écoute, le tri et la retranscription des données se fait en même temps, dans la tête du facilitateur. Il faut déterminer très rapidement quelles informations sont importantes, lesquelles on doit souligner ou oublier, quels sont les grands sujets et comment les dessiner.

Au début, le tri de toutes ces informations vont bloquer le facilitateur : soit trop concentré sur son dessin et ne va pas écouter la suite du speech, soit trop concentré sur le discours et le tri des informations et va finir par ne presque rien dessiner…

Pendant des conférences, ou en direct, on retranscrit le speech verbal visuellement, donnant un support aux intervenants comme au public pour mieux suivre et retenir.

L’exemple ci-dessous concerne cette dernière expérience. Mon professeur de facilitation graphique m’a fait travailler lors de conférences du Design Summit de 2019 à Paris. Je me suis retrouvée entourée de designers et chercheurs, à retranscrire visuellement un ensemble de spitcheurs autour d’un même thème. N’ayant eu que quelques cours avant, je me suis retrouvée dans les deux cas donnés précédemment : trop concentrée sur mon dessin ou sinon triant trop d’informations, et me retrouvant avec rien à dessiner après 20 min de spitch super-ultra compact !

Mais pour une première expérience pour moi ainsi que pour la plupart des gens dans le public, je pense que l’on va dire que cela est une expérience très positive. Cela a été mon baptême et depuis, prendre le stylo est plus facile, je suis décomplexée et m’ouvre à toutes nouvelles expériences !

À vous de vous lancer, et n’hésitez pas à m’envoyer vos travaux !

 

Et aujourd’hui ?

L’évolution de ces dernières années, et encore plus ces deux dernières, est la facilitation à distance. Voici le travail d’un facilitateur qui les a réalisé à distance, lors de réunion sur zoom ou tout autres supports virtuels lors de cette crise covidielle.

On y voit une évolution différente. Le scripteur à plus de temps pour travailler, même s’il est en direct, il travaille généralement sur un ordinateur, lui donnant les moyens de se corriger et de dessiner plus loin. On passe de la schématisation à des panneaux d’illustrations pratiquement complets.

La manière de gérer l’espace devient aussi différente. Étant sur un support numérique, il n’y a plus de limite d’espace, de déplacement d’un coin du format à l’autre, tout devient plus rapide et aisé.

Bref comme toute évolution, il est essentiel de voir les points positifs de l’un et l’autre, mais n’étant pas assez spécialisée sur la chose, je laisserai ceux le pratiquant vraiment débattre sur cette affaire.