Article n°16, août 2023
Interview d'un Office de tourisme atypique
ou comment découvrir de nouvelles façons d'imaginer un Office de Tourisme
Bonjour Loïc, merci de répondre présent à mon invitation !
Je t’ai rencontré lorsque je réalisais des appels afin de bien déterminer mon client cible pour créer mon offre. Tu m’as donné des réponses intéressantes que j’ai souhaité creuser les questions soulevées avec toi et le partager.
Tu es donc directeur depuis 2017 de l’office de tourisme de Roubaix, et lors de notre première rencontre tu m’as parlé de ton office de tourisme atypique.
Peux-tu me présenter cet OT atypique avec tes mots ?
Je ne sais pas si l’OT de Roubaix est atypique. Ou s’il est juste le reflet d’une ville atypique et alternative.
Roubaix est une ville de contraste, très pauvre, mais aussi très riche ; avec un dynamisme associatif, une forte présence d’artistes, d’art urbain en raison des friches industrielles disponibles entre les années 80 en 2000. Une porte d’entrée touristique qu’est le musée La Piscine mais aussi 2 grands centres de marques outlet.
Une réhabilitation du patrimoine industriel avec différentes occupations (musées, écoles, associations, artistes, commerces…) et différents niveaux de réhabilitation.
Mais c’est aussi une ville d’économie circulaire, avec un label Zéro Déchet et un accompagnement de la ville sur l’identification de gisements de matériaux de réemploi et une aide à l’implantation de porteurs de projets en lien avec ces notions.
L’OT de Roubaix est le reflet de son territoire, et pour l’être, le positionnement différenciant vis-à-vis d’autres OT, est d’être alternatif et atypique, régénératif, comme la ville.
Concernant toutes nos actions, les questions que l’on se pose à l’OT de Roubaix sont :
- Comment faire un pas de côté.
- Comment mettre ce territoire en tourisme en étant nous aussi créatif et original.
- Comment être innovant, en écoutant les signaux faibles, sans regarder ce que font les autres offices pour ne pas fonctionner en circuit fermé, mais en s’inspirant du privé, des starts up, en fonctionnant en test & learn…
- En ayant le droit de se tromper et de recommencer autre chose.
- En testant un OT tiers lieu, en devenant producteur de projet quand il n’y avait pas d’acteur pour les porter…
Nous avons une petite marque de destination décalée : « I Love Rbx »
Nous avons souhaité formaliser nos actions un peu en marge des actions habituelles d’un OT avec un label « I Love Roubaix Lab ». Il s’agit de valoriser différents rôles que nous endossons pour rendre la ville plus attractive sur ses grandes thématiques. Produire des fresques ou des parcours street art, du mapping, créer un tiers lieu pour artistes dans une friche de 1200m², de l’ingénierie culturelle, de nouveaux formats de connexion touristes/habitants, comme Tripster…
https://www.roubaixtourisme.com/projet-rbx-lab/
Plus récemment, nous avons marketé un Quartier Culturel Créatif.
Tous les ingrédients étaient présents sur le territoire, des équipements culturels, des écoles d’art, l’industrie créative, des ateliers d’artistes, des boutiques de designers, de l’art urbain… Et un fond consistant d’économie circulaire. Une grande majorité des acteurs ont des notions durables en tête, par leur activité, leurs pratiques, leur propos…
Nous avons donc créé le Quartier Créatif Circulaire de la Métropole Européenne de Lille, pour faire de l’économie créative, régénérative et symbiotique un lever touristique.
Nos intensions sont de donner à voir toutes ces belles initiatives, de favoriser les connexions entre acteurs (dans des logiques d’économie symbiotique) et de donner envie à des porteurs de projets de s’implanter sur le secteur. L’OT devient le tiers organisateur d’un écosystème pour favoriser les retombées économiques du tourisme sur le territoire et ses acteurs. Il participe aussi à l’attractivité du secteur.
https://www.quartiercreatifcirculaire.com/
En quoi les enjeux de cet office sont différents de celui d’un OT classique ?
Il y a peut-être davantage besoin d’accompagner du développement touristique du secteur, les acteurs, créer des produits…
En tant que tiers qualifié, l’Office conseille, ou accompagne les acteurs. Et si besoin produit avec ou sans eux certains projets.
Quels sont les nouveaux comportements touristiques qui t’ont poussé à développer ce tiers lieu ?
On parle souvent d’envie d’immersion, de contact avec les habitants ; mais aussi d’avoir un impact positif sur la destination.
Avec un tiers lieu, notre ambition est d’élargir la fréquentation de l’Office et de Roubaix, de la rajeunir aussi. D’être une zone de contact entre touriste, habitants, acteurs économiques, artistes. D’être une vitrine de la ville et de donner à voir ce qu’elle est sous ses différents aspects touristiques ; ses grandes thématiques y sont alors visibles. À travers un concept-store qui propose des produits issus des ateliers de Roubaix, créatifs, culinaires, recyclés… Mais aussi un espace cafète où se poser, recharger des batteries, prendre un café, croiser des habitants, des étudiants… Un autre endroit pour travailler, animer des réunions, des conférences, programmer des expositions… Bien sûr un accueil touristique.
Et des temps forts pour animer ce large réseau.
Nous avons testé un modèle pendant 4 ans avec l’envie de le repositionner dans une friche proche et d’élargir encore le propos et les actions. Mais très prochainement, nous basculerons en Office du Tourisme métropolitain, nous stoppons le projet et nous mettons notre expérience à disposition de ce nouvel OT.
Quel est le point central de cet OT atypique ?
Notre préfiguration a disparu l’année dernière, pour laisser la place à un projet très chouette qui ne trouvait pas d’autres espaces compatibles. Les 3 Tricoteurs y proposent maintenant un bar tricot où l’on passe commande pour des produits comme une paire de chaussettes personnalisées, un pull… Et pendant que vous prenez un pot, vous voyez votre vêtement se tricoter sur une machine japonaise hight tech. Nous gardons certains aspects de notre préfiguration dans l’OT actuel tout proche. La convivialité est le point central.
As-tu vu des changements en passant d’un OT classique à ce tiers lieu ?
Oui, nous l’avons repositionné au plus près du musée La Piscine et nous avons gagné 60% de fréquentation touristique. Les partenaires sont eux aussi plus présents, pour ce que propose le lieu, mais aussi pour les temps forts.
Qu’est-ce que cela apporte en plus au territoire ?
Je pense que ça le rend plus lisible et visible.
Et pour le visiteur ?
Un accueil peut être différent, une immersion dans l’esprit de la destination, des connexions humaines.
Comment ta communication suit-elle cet OT atypique ?
Plus que l’OT, elle suit l’énergie du territoire.
Nous avons fait appel à une jeune agence pour mettre en adéquation le design graphique de l’OT et ce qu’est la ville.
Notre nouvelle charte est une proposition.
Nous avons par exemple aussi créé une typographie spécifique constituée de brique, un élément très présent à Roubaix.
Je parle de graphisme plus que de nos outils de communication. Ils sont classiques. Nous avons un site web, des réseaux sociaux, une newsletter… C’est le ton et l’habillage que nous voulons différents, tout comme nos produits.
Nous avons aussi engagé une agence de presse parisienne pour promouvoir ce territoire alternatif.
Quels sont les avantages (liés à cette communication) & les inconvénients ?
Une communication originale au graphisme un peu alternatif permet d’être bien identifié.
Mais parfois le graphisme et l’originalité peuvent prendre le pas sur le message. Il est alors nécessaire de porter une attention à la bonne lisibilité des documents, et de faire des compromis.
Merci Loïc pour ces retours vraiment intéressants ! Cela permet de montrer une des alternatives à laquelle les offices de tourisme peuvent se développer pour apporter plus de visibilité au territoire et plus de connexions humaines aux visiteurs dans la station d’accueil d’un Office de tourisme.
Cela montre aussi que la communication est un outil important, quelles que soit ses formes, afin de venir habiller l’information donnée et d’attirer le visiteur sur le territoire.
La communication graphique est un outil de visibilité, qui vient en concordance avec les actions prisent par un Office de tourisme, elle est là pour mettre en valeur, identifier et fidéliser un territoire avec les gens qui le font vivre.
J’espère que cette interview t’a autant apporté qu’à moi, n’hésite pas à échanger dessus !